~ Interview Corinne Costa ~



- Qui êtes vous?

Proche de la soixantaine j’habite sur Uzès depuis mes 10 ans, c’est une charmante ville que j’affectionne, je pense avoir une bonne connaissance du territoire du Pays d’Uzès.
Quand j’avais 20 ans j’ai dû faire le choix de mes études entre deux BTS, Action Commerciale,et Économie Sociale et Familiale.
J’ai choisi le premier m’entraînant vers un poste de responsable de secteur dans la grande distribution. Aguerrie aux techniques de ventes, mais déconcertée par les obligations de résultats, vers la quarantaine j’ai repris mes études vers l’économie sociale et familiale, et je me suis dirigée vers une carrière sociale.
Je suis restée une douzaine d’années dans la plus grande structure de service d’aide à la personne avec, au départ, un poste de responsable de secteur, puis celui de chargée de formation pour les 2000 salariés de l’association. Les domaines étaient variés, cela allait de la micro crèche jusqu’à la résidence en autonomie, les chantiers d’insertion, les aides à domicile, sans oublier les ressources humaines. J’ai pu développer de nombreux partenariats, m'attachant à trouver des associations œuvrant pour les familles comme la Ligue contre le cancer, France Alzheimer, les soins palliatifs...
Il s’agit de créer des formations correspondant aux besoins des salariés avec comme double objectif de leur permettre de monter en compétences et de dispenser les associations du coût pédagogique. Cela leur permet de reporter ce coût pour développer des actions en faveur de leurs missions.
Riche de ces partenariats on m'a confié par la suite le poste de chargée de développement où j'ai eu l'opportunité de créer un service d'aide aux aidants (Café des aidants, formation, journée des aidants) ainsi qu’une visite régulière aux 353 communes de notre département pour parler des différents services de la structure.
J’ai eu l’envie de développer différemment l’aide aux aidant et j’ai alors créé ADAO, Association D’aide aux Aidants d’Occitanie. Notre mission est d’accompagner, informer, orienter et soutenir tous les proches aidants.
Un proche aidant c’est l’individu qui accompagne des personnes en perte d'autonomie, en situation de handicap ou de vulnérabilité dans tous les actes de la vie quotidienne, ils font faire une économie colossale à la société.
Cela représente près de 11 millions de personnes, elles se retrouvent dans un état d’isolement et d’oubli de soi pouvant conduire souvent à un état d’épuisement total.

Qui peut m’aider à aider mon proche ?

ADAO est là pour faciliter leurs parcours aussi bien dans l’aspect administratif, dans la recherche du bon dispositif, dans l’orientation vers les bons professionnels…
La charge mentale, l’angoisse, ces personnes sont sous pression permanente et c’est pour eux que l’association milite, avec des actions en individuel et en collectif pour faire de la prévention, sans oublier la notion de bien être et de prendre du temps pour soi.
Nous avons démarré un forum citoyen et participatif avec l’aide de l’intelligence collective des Colibris. Marie-Hélène a co-animé ce forum, entre cercle samoan, place du marché, ateliers convergence émergence, Adao a pris ses racines dans la co-construction, la coopération et la coordination suite à cette journée.

- Quel est votre rôle dans le projet que vous portez?

Je suis à l’initiative de cette association et je la coordonne : de l’écriture du projet, à la recherche de financements et de partenaires, de l’animation de l’action, jusqu’aux bilans….

- Quelle est l'actualité du projet (ce qui a été fait jusqu'à aujourd’hui, dans les grandes lignes)?

Chaque année je réponds à des appels à projets. La première année, nous sommes partis sur deux ateliers. Le premier intitulé "Y a d'la joie", nous sommes venu chanter avec des résidents en invitant les familles à venir partager ce moment joyeux. Le second atelier d'expression théâtrale intitulé "Bulle de vie" s'est déroulé avec les aidants et aidés. C'était un moment de partage bienveillant entre les proches aidants, et d'accompagnant des personnes vers les bons dispositifs.
Chaque année se rajoutent des projets, j’en ai une bonne dizaine qui se mettent en œuvre, comme par exemple le café des familles. C’est un temps pour les proches aidants qui permet d’échanger et partager des« trucs et astuces » leurs permettant de mieux gérer leur quotidien, et surtout de trouver une réponse pouvant alléger leur charge mentale.
Je suis également membre active au sein du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie CDCA (Bodega des Aidants) ; et du dispositif MONALISA (mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées). Il s’agit d’équipes de bénévoles qui vont aller faire des visites aux personnes isolées, rompre l’isolement et créer un lien social.
Je suis référente de l’équipe d’Uzès portée par la Croix rouge, correspondante territoriale et formatrice des bénévoles pour la formation socle.
J’accompagne en binôme avec la Fondation I2ML (Institut des métiers de la Longévité)la coordination de deux territoires, Camargue Vidourle et Grand Nîmes, en faveur d’une politique départementale engagée pour les proches aidants (journée nationale des aidants, dynamiques partenariales avec des matinales organisées).

- De quoi à besoin votre projet actuellement pour aller plus loin? La prochaine étape à franchir?

J’aurais certainement besoin d’un coup de pouce sur l’aspect administratif à travers l’aide d’un service civique par exemple car j’y passe beaucoup de temps.

- Quel est le sens que vous trouvez à votre projet ?

Nous sommes tous concernés, nous pourrions tous être un proche aidant un jour, ou connaître quelqu’un de touché. Outre le fait de vouloir prendre du temps pour soi, penser à soi à travers des actions ponctuelles, il s’agit de pouvoir soulager le quotidien de ces personnes, trouver des solutions pour les épouses qui ne dorment plus, les informer, les aider, soutenir ces proches aidants, etc.

- En quoi il peut être source d'inspiration pour d'autres (qui aimerait se lancer)?

Ça serait super si mes actions pouvaient se dupliquer ailleurs, passer de spectateur à acteur, ne pas oublier la relation de plaisir dans la relation d’aide. C’est tellement compliqué pour certaines personnes car elles peuvent aller jusqu’à l’épuisement total.

- Comment vous présenteriez votre territoire? En quelques mots.

C’est compliqué de répondre mais il y a une riche dynamique au niveau du tissu associatif mais pas suffisamment coordonnée dans l’ensemble : seul on va vite mais ensemble on va plus loin. A Uzès, on a l’impression que le terme « social » est un gros mot.
A part la résidence autonomie et les logements sociaux j’aimerais que d’autres initiatives se développent au niveau social. Il manque pas grand chose pour que tout s’imbrique, pour qu’une autre dynamique se lance. Dans la coordination que j’anime dans le grand Nîmes et en Camargue Vidourle, nous avons instauré des matinales avec des petits déjeuners conviviaux, l’objectif est de mieux se connaître et construire ensemble. Nous le faisons sous forme de speed-dating, s’asseoir 10 min à une table et apprendre à découvrir ce que l’autre fait, pas juste un titre, une fonction, une association mais travailler ensemble vers les mêmes objectifs et créer du lien.
C’est un peu frustrant avec la limite de temps car on a envie d’échanger davantage mais cela permet de faire des passerelles entre ce que chacun fait, cela donne une autre dynamique. Les cartes de visite qui s’échangent c’est une vraie victoire.

- Comment vous vous sentez sur votre territoire ? Quel avis, regard vous en avez ?

Je me sens bien dans mon territoire, j’aimerais que davantage de passerelles se créent entre les acteurs médico-sociaux et les autres. La période est compliquée notamment avec la crise sanitaire. Il y a des acteurs super importants comme au niveau du centre social d’un village, qui centralise toutes les situations d’isolement, il s’agit de créer une sorte de plateforme d’écoute et d’information, une maison de relais.

- Avez-vous des attentes précises par rapport au projet TE?

Oui, ce que j’aimerais voir, c’est plus de cohérence entre les acteurs. Même si je n’ai pas pu être présente sur le projet territoire car j’avais déjà une journée très dense.

- Souhaitez-vous rajouter quelque chose à notre échange ?

Dans mes deux implications au niveau d’ADAO je pense que nous sommes tous concernés, il est important de faire davantage attention à son voisin, proposer de l’aide, aider les aidants à prendre du temps pour eux, à s’aérer la tête, être plus solidaire entre nous, que la solidarité ne soit pas qu’un mot.
Je fais des passerelles entre ADAO et MONALISA, on connaît tous un papy ou une mamie qui est seul.e. Il y a de la discrimination, tout ce qui est vieux on ne le considère plus, mais une fois qu’ils sont partis, on regrette de ne pas leur avoir accordé assez d’attention. Changeons notre regard… Il est important de donner du sens à sa vie, de se demander quel sens on va donner à sa journée.
Les actions d’ADAO sont beaucoup dans l’aller vers, sur le territoire il y a beaucoup de villages ruraux isolés, il s’agit de faire au mieux pour recréer des liens sociaux.


Propos recueillis par Cécile Gauthier en service civique au sein du Mouvement Colibris

Publié le 23/02/2023