~ Interview de Claude Henri ~


Geckologis, l’habitat participatif écologique et intergénérationnel


Bonjour Claude, qui es-tu ?

De formation d’ingénieur et sociologue, j’ai travaillé dans ce qu’on appelle la sociologie des techniques, en m’intéressant également aux usages associatifs des outils numériques. J’ai milité dans plusieurs associations, dont ATTAC. Et puis j’ai décidé de m’engager dans un projet de long terme d’habitat participatif à Sanilhac-Sagriès près d’Uzès dans le Gard. Pour moi qui avais toujours vécu à Paris jusqu’alors, c’est une manière de prendre part aux changements de mode de vie qui sont devenus indispensables face aux crises du climat et de la biodiversité que nous connaissons.
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Quel est ce projet ?

Nous l’avons appelé Geckologis. Il se situe dans la perspective des projets d’habitat partagés « Oasis » accompagnés par le mouvement des Colibris. Geckologis est le nom de la société coopérative d'habitants à capital variable que nous avons créée sur le modèle de la fédération Habicoop. Notre coopérative est propriétaire et gestionnaire du projet. Nous travaillons depuis 9 ans sur le projet. Chaque foyer versera une redevance mensuelle qui inclut en particulier une participation aux charges collectives et au remboursement des emprunts. Des espaces sont partagés : deux buanderies, un atelier de bricolage, un terrain collectif et une maison commune pour des activités collectives et qui peut servir à d’autres groupes du bassin de vie pour venir travailler, réfléchir, et travailler ensemble1.

Pourquoi cette longue phase de montage de 9 années ?

Normalement le montage d’un tel projet dure en moyenne 5 ans. Nous avons démarré dans un premier lieu que nous avons dû quitter, puis nous avons dû rechercher un nouveau terrain. Nous avons finalement choisi cette commune près d’Uzès, où la mairie crée un éco-quartier. Il a fallu aussi du temps pour construire tout un ensemble de partenariats suffisamment solides pour démarrer un projet dont le coût global est de trois millions d’euros.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Nous allons avoir dans quelques semaine les clés de nos logis ! Aujourd’hui, nous sommes un groupe intergénérationnel de 14 adultes et 5 enfants. Chaque foyer occupera un appartement faisant entre 50 et 85 m2.
Nous n’avons pas voulu un projet que pour des personnes retraitées ou âgées. L’intergénérationnel est un des points forts de notre projet. Une autre originalité est que certains d’entre nous ont des petits revenus et nous avons obtenu un agrément de prêt 1 Pour une description d’ensemble du projet : www.geckologis.org/le-projet-1 et www.envirobat-oc.fr/Residence-en- habitat-participatif-Geckologis-Sanilhac-Sagries-30 locatif social (PLS) par la Banque des Territoires, par l'intermédiaire de la Préfecture du Gard, ce qui nous permet de proposer des logements à caractère social.

En quoi votre projet dépasse-t-il la simple question de l’habitat écologique ?

Nous souhaitons aussi réfléchir et nous former sur le thème de la mobilité (à travers en particulier le partage de véhicules et l’éco-conduite), sur la communication non violente et la gestion des conflits, sur la permaculture, sur de meilleurs usages d’internet, sur l’énergie, etc. On met en œuvre, à notre échelle, les trois piliers du scenario de l'association Négawatt pour une politique énergétique durable : sobriété, efficacité et énergies renouvelables.

Quels sont vos liens avec les collectivités locales ?

« Habiter » signifie pour nous deux choses : habiter et vivre de manière écologique, et aussi habiter et être en lien avec un territoire : notre commune, notre communauté de communes, notre département, notre région. Tous ces territoires sont des partenaires de notre projet, de différentes façons, par exemple à travers le Plan climat, air, énergie, territoire (PCAET) et le Projet alimentaire territorial (PAT) pour ce qui concerne la communauté de communes. Ils nous soutiennent, et, dans l’autre sens, nous souhaitons dialoguer régulièrement avec eux sur la manière dont notre projet avance vers la sobriété écologique.

Qu’attendez-vous du collectif « Territoires d’expérimentation » ?

Qu’il aide à renforcer les liens entre les acteurs de la transition écologique sur le territoire, leurs moyens d’action et leurs liens avec les collectivités territoriales. Ces acteurs sont nombreux et très actifs, mais ce que nous constatons avec Geckologis, c’est qu’ils auraient beaucoup à gagner à pouvoir travailler davantage ensemble et à avoir vraiment des moyens pour construire des projets collectifs.


Propos recueillis par Lucie Roba en service civique au sein du Mouvement Colibris et Jean-Christophe Sarrot responsable du réseau Wresinski emploi d'ATD Quart Monde

Publié le 23/02/2023